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PEUT-ON VRAIMENT RÉNOVER SON PARC D’ÉCLAIRAGE PUBLIC POUR 1 EURO AVEC LE DISPOSITIF CEE

  • Aude Grard
  • 22 avr. 2024
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 avr.

Vous avez sûrement déjà reçu dans votre boîte mail professionnelle des communications proposant la rénovation de votre parc d’éclairage extérieur pour 0 ou 1 euro. Estampillées du logo CEE (certificats d’économie d’énergie), ces publicités pullulent depuis 2021 et éveillent autant la curiosité que la méfiance. Des lanternes pour 1 euro, est-ce vraiment possible ? Qui sont ces vendeurs ? Leur acheter des luminaires pour équiper une rue relève-t-il de l’aubaine ou de l’arnaque ?


logo les certificats d'économie d'énergie
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Pour comprendre, il faut revenir aux origines du dispositif CEE. Les CEE ont été créés avec la loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique (POPE), du 13 juillet 2005 (articles 14, 15, 16, et 17), à partir d’une impulsion européenne.

La loi POPE part d’un principe simple : faire payer les grands consommateurs d’énergies fossiles, appelés “les obligés” (EDF, ENGIE, TOTAL, ESSO, AUCHAN, CARREFOUR, etc.) en finançant “les éligibles” dans le cadre de leur travaux de rénovation énergétique. Si ces dispositifs de financement - ainsi que leurs dérives - pour la rénovation thermique des particuliers sont bien connus, on les associe moins aux collectivités, qui font pourtant bien partie des éligibles.

 

Aussi ces échanges de bons procédés entre obligés et éligibles ne se font pas n’importe comment : ils sont encadrés par des procédures définies, appelées « opérations standardisées » qui sont répertoriées sous forme de fiches. L’une de ces opérations standardisées concerne ainsi la rénovation de l’éclairage public : la fiche RES-EC-104. 

MAIS ALORS QUE VIENNENT FAIRE DANS CE SYSTÈME CES SOCIÉTÉS QUI PROMETTENT DE RÉNOVER VOTRE PARC D’ÉCLAIRAGE GRATUITEMENT ?

​Il faut comprendre que les CEE ne sont pas un système de financement « classique ». Une ville qui souhaiterait se faire financer son éclairage public ne reçoit aucune monnaie sonnante et trébuchante. Les échanges entre obligés et éligibles se font via l’unité du cumac, unité de mesure créée spécialement pour les CEE, sur une plateforme d’échange en ligne, Emmy. Ainsi, une ville qui rénove son éclairage public aura le droit de récupérer l’équivalent de 9300 kWh cumacs par point lumineux rénové.

 

Par cette procédure, les collectivités souhaitant remplacer leur parc d’éclairage avec des LED peuvent faire appel à ces sociétés qui leur fournissent des appareils pour 1 ou 0 euro, en échange de quoi, ces collectivités cèdent leur droit aux CEE générés par le remplacement des luminaires aux sociétés en question. Une fois les CEE récupérés, ces sociétés les valorisent sur le marché des CEE qui fonctionne sur le même principe que la bourse.

 

C’est en s’insérant dans ce dispositifs financier complexe que ces sociétés peuvent proposer des luminaires extérieurs gratuitement. En valorisant les CEE acquis grâce aux villes, elles arrivent à gagner de l’argent sur les opérations effectuées​.


SI LE DISPOSITIF CEE EST LÉGAL, OÙ EST LE PROBLÈME ?

 

​Disons-le clairement, ces procédures ne relèvent pas d’une arnaque. Néanmoins, dans le détail, les conditions financières et les caractéristiques techniques des appareils fournis posent de sérieuses questions.

 

Premièrement, ces opérations de remplacement de luminaires ne sont pas neutres financièrement pour les communes. Contrairement aux images affichées sur le site de ces sociétés montrant des hommes en casque, en train de s’affairer joyeusement sur des candélabres : l’installation est à la charge de la collectivité. En effet, ces sociétés sont de purs opérateurs financiers qui achètent et vendent du matériel. Ils laisseront à l’initiative et à la charge des communes les travaux de remplacement ; et n’effectueront pas non plus les notes de calculs électriques et calculs d’éclairement dans le cadre de l’application de la norme EN 13201*.​​​​​​​​​


Installateur © m-gucci
Installateur © m-gucci

Deuxièmement, on peut s’interroger sur la pertinence technique des luminaires fournis. Pour que ces opérations soient rentables, ces sociétés doivent logiquement acheter des appareils à bas coût. Ainsi, lorsqu’on feuillète leur catalogue dans la catégorie lanterne d’éclairage public, on est surpris par les luminaires proposés. A chaque fois, on découvre des projecteurs, certes d’extérieur, mais sans crosse, sans mât… En bref des appareils qui ressemblent à tout sauf à une lanterne d’éclairage public ! Si ces projecteurs ne présentent pas forcément de défaut de qualité dans l’absolu, c’est bien leur application à l’éclairage public qui pose problème.

Car ces sociétés jouent sciemment sur un certain flou technique entourant la fiche RES-EC-104. La fiche décrit en effet les luminaires éligibles au CEE de manière extrêmement sommaire. Ainsi, pour les voiries circulées, la fiche décrit un « ensemble optique fermé d’un degré de protection (IP) de 65 minimum ». Elle impose ensuite les caractéristiques techniques suivantes : une efficacité lumineuse ≥ 90 lumens par Watt, un ULOR ≤ 1 % (ou, pour les luminaires à LED, ULR ≤ 3%) et une durée de vie minimum de 30 ans. Point final ! On ne trouve absolument aucune exigence de résistance aux chocs de l’appareil (IK), de température de couleur ou de confort visuel…

Outre l’aspect esthétique qui saute aux yeux, on peut se demander quelle place donner à ce genre de luminaire dans l’espace public à une époque où le confort de l’usager nocturne et la réduction de la pollution lumineuse ont été mis au centre des préoccupations des villes, notamment via l’arrêté du 18 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses**. Bonne nouvelle, cette fiche est en est cours de révision !


Pour aller plus loin, lire :

- Le communiqué de presse « mise en garde démarchage rénovation installations d’éclairage extérieur » publié communément par la FNCCR, le Syndicat de l’éclairage et l’AFE sur sur https://www.afeeclairage.fr/.


Le point sur le vocabulaire de la lumière…


EN 13201*: La norme NF EN 13 201 est le document incontournable concernant la photométrie en éclairage extérieur. C’est une norme d’application volontaire, mais elle s’applique bien à toutes les parties lorsqu’elle est citée dans un contrat ou un cahier des charges. Cette norme fixe les minimums et les maximums des performances photométriques à atteindre en fonction des typologies d’espaces. L’analyse d’un certain nombre de facteurs (vitesse de circulation, types d’usagers, intensité du trafic, luminosité ambiante) permet ainsi de déterminer une classe d’éclairage à appliquer.

L’arrêté est un acte émanant d’une autorité administrative autre que le Président de la République ou le Premier ministre. L’arrêté est une décision écrite prise en application d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance afin d’en fixer les détails d’exécution. Il se distingue d’une norme qui est d’application volontaire, ou de présomption de conformité à une réglementation. Dans le domaine de l’éclairage, un certain nombre d’arrêtés sont incontournables. Bien connus des collectivités comme des concepteurs lumière, ces textes détaillent les conditions et les niveaux d’éclairement d’un certain nombre d’espaces qu’ils soient extérieurs ou intérieurs. Il faut citer : - l’arrêté du 20 avril 2017 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public (ERP) lors de leur construction et des installations ouvertes au public lors de leur aménagement ; et l’arrêté du 8 décembre 2014 en ce qui concerne les ERP existants; - l’arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses qui constitue un tournant important dans la législation française — ce texte traduit la volonté d’agir pour la réduction de la pollution lumineuse.​​


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